Majesté Cavayé Yéguié, Président de l'Assemblée nationale du Cameroun, et le plus illustre des fils du Septentrion, qui détiennent une parcelle de pouvoir qui entre en ligne de compte lors de la répartition des tâches et fonctions visant à établir des équilibres régionaux.
Issa Tchiroma Bakary
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Misères des régions septentrionales : l’intégralité de la lettre ouverte d’Issa Tchiroma Bakary à Cavayé Yéguié Djibril

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Majesté Cavayé Yéguié, Président de l’Assemblée nationale du Cameroun, et le plus illustre des fils du Septentrion, qui détiennent une parcelle de pouvoir qui entre en ligne de compte lors de la répartition des tâches et fonctions visant à établir des équilibres régionaux.

Monsieur le Président, c’est une piqûre de conscience lancinante, devenue pratiquement un cauchemar dans mon esprit, qui me pousse d’aller vers vous et faire de vous un exutoire qui pourra soulager ma peine. Oui, Monsieur le Président, je suis bouleversé, peiné et chagriné, à la veille d’une consultation électorale capitale, de constater le délabrement généralisé du Septentrion, délabrement qui constitue une accusation et une condamnation de toutes nos populations qui se sentent abandonnées, trahies, par tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont la lourde responsabilité d’être protecteurs, gages et garants de la portion de la richesse ou/et de la souveraineté qui serait revenue à chaque citoyen.

Mais avant de mettre le doigt sur la profondeur et la gravité de cette abandonne-trahison de nos populations, je voudrais dresser la liste non exhaustive de tous les officiels originaires du Septentrion sur qui repose la mise en œuvre des directives du gouvernement dans la partie septentrionale.

Région de l’Extrême-Nord

– M. Cavayé Yéguié Djibril, Président de l’Assemblée nationale,

– M. Ayang Luc, Président du Conseil économique et social,

– M. Alamine Ousmane Mey, Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire,

– M. Ibrahim Talba Malla, Ministre délégué chargé des Marchés Publics,

– M. Manaouda Malachie, Ministre de la Santé publique,

– M. Hélé Pierre, Ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable, – M. Taïga, Ministre de l’Elevage, des Pêches et des Industries Animales,

– M. Mounouna Foutsou, Ministre de la Jeunesse et de l’Education Civique,

– M. Yaouba Abdoulaye, Ministre Délégué auprès du Ministre des Finances,

– M. Hamadou Moustapha, Ministre chargé de mission à la Présidence de la République,

– M. Bayaola Boniface, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Enseignements Secondaires,

Région du Nord

– Sa Majesté Aboubakary Abdoulaye, Vice-président du Sénat,

– M. Bello Bouba Maigari, Ministre d’État, Ministre du Tourisme et des Loisirs,

– M. Issa Tchiroma Bakary, Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle,

– Gabriel Mbaïrobe, Ministre de l’Agriculture et du développement rural

– Koumpa Issa, Secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense,

Région de l’Adamaoua 

– Dr Nana Aboubakar Djalloh, Ministre Délégué auprès du Ministre de l’Environnement,

– Mme Koulsoumi Alhadji épouse  Boukar, Secrétaire d’État auprès du Ministre des Forêts et de la Faune,

Directeurs généraux et assimilés

– Mme Yaou Aïssatou, Directrice générale de la SNI,

– Mohamadou Bayero Bounou, Directeur général de la Sodecoton,

– M. Fissou Kouma, Directeur général de la Semry,

– Dr Ahmadou Sardaouna, Directeur général de la SIC.

Quelle est la constellation sur laquelle repose la mission sacrée, la mission sacerdotale de veiller à ce que, lors des allocations budgétaires dans tous les départements ministériels du gouvernement et qui abritent les intérêts vitaux du septentrion, de veiller non seulement à ce que ce budget soit effectivement réalisé, mais aussi et surtout que la répartition de cette richesse nationale ne s’opère pas au détriment du Septentrion.

Il leur est également échu en partage de veiller comme sur la prunelle de leurs yeux que le Septentrion soit valablement et adéquatement représenté à la fonction publique, car le déficit criard de la population septentrionale à la fonction publique suscite non seulement des inquiétudes, mais pousse à croire ou à penser qu’il existe une volonté manifeste de réduire à sa plus simple expression les populations septentrionales.

Car sinon, qu’est-ce qui fait que, en dépit du soutien constant que le Septentrion accorde à M. le Président de la République lors des élections présidentielles, sa démographie chute vertigineusement pour culminer à moins de 7% au sein de la fonction publique ? Avant d’aller plus loin, je voudrais constater pour le déplorer que le ministre Gabriel Baïrobe, ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, n’avait pas été mentionné parmi les ministres du gouvernement.

Très honorable Cavayé Yéguié, Président de l’Assemblée nationale, superviseur général des intérêts du Septentrion dans toutes les institutions de l’État, ne serait-il pas judicieux de procéder à l’évaluation non exhaustive des réalisations du gouvernement dans la partie septentrionale, au cours des 43 dernières années, sous la surveillance individuelle et collective de toutes les élites qui en avaient la responsabilité ? Cette démarche rétrospective, qui s’impose à la veille de l’élection présidentielle, et qui ne saurait être exhaustive en raison de l’étendue des différents chantiers, nous donnera néanmoins des indications fiables quant à l’existence ou pas d’une volonté politique de développer, peu ou pas, cette partie de notre territoire.

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, tout le monde sait qu’en démocratie, démographie veut dire pouvoir, car le savoir et l’avoir ne sauraient à eux seuls suffire pour porter au pouvoir un candidat. Seul le nombre le dicte.

Et le seul trésor dont dispose le Septentrion aujourd’hui reste le nombre. Pour la petite histoire, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, toute la région de l’Extrême Nord n’a pas un seul homme d’affaires disposant d’un capital de 1 milliard de francs CFA. Que toute la région du Nord n’a pas un seul homme d’affaires qui puisse disposer de 1 milliard de francs CFA.

Alors que ce sont ces milliardaires venus du Septentrion, en relation étroite et complice avec les opérateurs économiques de l’Ouest, si on est le monde pour la construction de la richesse nationale, savez-vous, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, que quand on parle de la pauvreté et de la misère, ce n’est ni à l’Ouest, ni à l’Est, ni au Sud, mais c’est dans la partie septentrionale ?

Vous souvenez-vous, nous avoir invités à contribuer financièrement afin de lutter contre la pauvreté et la famine qui frappaient certaines régions de l’extrême Nord, et qu’on vous a réduit au silence en raison de la proximité de votre démarche avec l’élection présidentielle, et qu’il était indécent de parler de pauvreté et misère à l’approche de l’élection présidentielle ? Que le Septentrion est la seule partie de notre pays où les hommes et les animaux se disputent la petite quantité d’eau pour leur survie ? Que ce n’est qu’ici, dans la partie septentrionale, que l’on voit, sous des abris de fortune qui tiennent lieu de salles de classe, 300 à 400 de nos enfants assis sur des briques ou de troncs d’arbres, l’ardoise sur la cuisse pendant qu’ailleurs, dès le jardin d’enfants, ordinateurs et tablettes sont à la portée de tous les apprenants ?

Je me permets de partager avec vous également, l’organisation et la division du travail dans notre pays s’est opérée dans une discrétion aussi efficace qu’étrange. Pratiquement toutes les tâches subalternes, gardien de maison, cuisinier, blanchisseur, mototaximen, vendeur à la sauvette, saisonnier dans des industries agricoles ou forestières, préfèrent la main-d’œuvre septentrionale en raison de leur sérieux, de leur application au travail.

Et c’est tout le contraire quand il s’agit des tâches qui exigent une plus-value intellectuelle pour leur mise en œuvre. Alors là, le septentrion brille par son absence. Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, je suis extrêmement inquiet quant au sort réservé à nos jeunes diplômés, qui doivent être des ouvriers, des ingénieurs, des architectes, des professionnels bien éduqués, bien préparés pour être parmi les bâtisseurs de l’émergence et du développement industriel de notre nation.

Mon inquiétude procède aujourd’hui de ce que le recrutement dans toutes les institutions de l’État s’opère par voie de concours. Inutile d’insister quant à la manière dont ça se passe. La pauvreté prégnante dans la partie septentrionale n’autorise pas aux parents de faire face aux pratiques et aux us et coutumes qui sont autant des filtres par lesquels il faut absolument passer pour réussir son examen.

Une manière de dire donc que la probabilité est très faible pour que nos enfants puissent un jour émerger à la fonction publique ou dans toute autre institution relevant de l’État. Pour les institutions de l’État, nos enfants seraient tous des retraités à la naissance.

Allons dans le même sens de l’examen des attributions budgétaires. Dans les différentes régions de la nation, on peut constater avec étonnement que le budget d’investissement public attribué à la région du Sud est supérieur à l’ensemble du budget d’investissement des trois régions septentrionales réunies. Il en est de même quant à la masse salariale mensuelle des agents de l’État. C’est ainsi qu’on peut constater que sur les 120 milliards destinés au salaire des agents de l’État, on s’apercevra que les trois régions septentrionales reçoivent moins de 10 milliards de francs CFA.

Honorable Président de l’Assemblée nationale, tous les partenaires économiques et financiers de l’État, toutes les statistiques nationales ou internationales dont l’objet est d’évaluer l’état de pauvreté des populations de manière convergente et récurrente, attestent de ce que la partie septentrionale du Cameroun est la partie la plus misérable au Cameroun. La partie septentrionale du Cameroun est placée sous l’éteignoir. Et si des mesures correctives et urgentes ne venaient pas à être prises, cette partie passera de l’éteignoir à la mort lente et irréversible. Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, je vous disais que c’était une piqûre de conscience qui est devenue un cauchemar qui m’empêche de dormir.

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, tout le monde sait que nos propres enfants ont fréquenté ou fréquentent de grandes écoles, sont en train de travailler ou en position de travailler dans de grandes institutions de la Nation, pendant que les enfants des autres, de l’immense majorité de nos populations, dans le système et le contexte actuel, n’auront aucune chance de pouvoir participer à l’édification de leur Nation.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ? Quelle est la véritable cause de ce désastre ? Le pouvoir ? La mauvaise gouvernance ? Les marginalisations ? Les frustrations ? Les frustrations et autres dénis de droit ? Oui, mais pourquoi ça n’arrive qu’à nous et pas aux autres ? Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, Une analyse objective et consciencieuse aboutirait à la conclusion que, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, nous, les élites du Septentrion, sans distinction de quelque nature que ce soit, nous sommes tous collectivement et individuellement responsables de cette situation.

Parce que la sagesse universelle nous apprend, d’abord de balayer devant notre cour avant de voir ce qui se passe dans la cour des autres. Il est évident qu’aucune explication ou justification, quel que soit le subterfuge que nous utiliserions, ne saurait nous trouver un bouc émissaire derrière lequel nous nous abriterions pour nous éviter la condamnation de l’histoire.

Tous, nous sommes devenus des anesthésistes de notre conscience collective.

Nous avons choisi de privilégier nos intérêts individuels que nous avons placés au-dessus de ceux de notre communauté. Nous sommes tous devenus des anesthésistes de notre conscience.

Mon désarroi et mon désespoir sont devenus d’autant plus effroyables.

Aujourd’hui, aucun fils du Septentrion n’a la moindre possibilité de rencontrer le Président de la République pour lui faire part des difficultés auxquelles nous serions confrontés. Et cela est d’autant plus vrai que vous-même, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, voilà plus de cinq ans que vous n’avez pas eu l’opportunité d’avoir une audience auprès du Président de la République pour lui rendre compte de votre gestion de l’Assemblée nationale, pour lui faire part de toutes les menaces existentielles auxquelles le Septentrion était soumis, qu’aucun des projets dédiés au Septentrion et destinés à soulager sa peine n’a jamais été exécuté. Et avec tout ça, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, nous, élites fils du Septentrion, à la veille de l’élection présidentielle, allons-nous continuer à jouer le rôle funeste, le rôle macabre d’être anesthésistes de conscience des fils du Septentrion ? Allons-nous continuer à maintenir la tête de nos enfants, de ceux qui nous sont chers, au-dessus des poubelles, des odeurs pestilentielles que dégage le RDPC dans sa décrépitude ? Allons-nous demander à nos populations de se maintenir dans la misère, dans le déni, puisque nous savons qu’il est impossible au Président Biya d’exercer cette fonction ?

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, c’est de manière délibérée que j’ai décidé de porter des prismes réducteurs pour opérer de manière sélective le regard avisé et critique de l’homme politique, de l’homme d’État que je suis. Président de l’Assemblée nationale, vous avez une vision holistique de la marche de la nation. La piqûre de conscience à laquelle je faisais allusion tout à l’heure me projette vers le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, devenu un théâtre des horreurs où la cécité politique se conjugue à l’étroitesse d’esprit, soumettant toute action, toute décision au risque probable d’un échec. Si la problématique de ces conflits est connue sous toutes ses coutures, en revanche, seule une volonté politique forte dont nous sommes porteurs serait en mesure, dans un laps de temps raisonnable, d’apporter une solution définitive, durable, acceptable à ce drame qui a endeuillé tant de populations, détruit tant de biens et amputé notre économie de 20% de sa richesse.

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, je suis établi également par cette piqûre de conscience de jeter un regard critique vers l’Est, région dotée de richesses naturelles prodigieuses qui ne profitent ni aux populations locales ni suffisamment à la nation camerounaise, mais qui en revanche font l’objet aujourd’hui d’un pillage systématique d’une main-d’œuvre étrangère qui pille sans vergogne la protection des richesses naturelles de la nation relevant de la compétence de l’État. Des mesures idoines, rapides, seront prises pour que toute exploitation de la richesse nationale soit subordonnée au préalable à la mise en place des centres de formation professionnels qui formeront nos compatriotes à la transformation sur place de toutes nos richesses.

Très honorable Président de l’Assemblée nationale, ma conscience se rebelle à l’idée que nous sommes pauvres, que la survie de notre économie dépend de l’assistance financière que nous offrent nos partenaires techniques et financiers alors que nous disposons de ressources naturelles abondantes, variées, et qui d’ailleurs font l’objet d’une convoitise soutenue.

Je caresse l’espoir que la région de l’Ouest, avec une population industrieuse, entreprenante, audacieuse, rompue dans les affaires, accepte de faire l’échelle courte, tendre les bras aux opérateurs économiques qui en sentent la nécessité et le besoin pour que le cauchemar économique actuel dans lequel nous nous trouvons cède la place à un devoir, à une mission de reconquête de notre souveraineté économique perdue.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, je m’engage, sous la protection et la guidance de l’Éternel, Dieu, à faire du Cameroun l’une des plus belles, des plus grandes nations du continent africain.

Issa Tchiroma Bakary 

 

La Rédaction

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