Après plus de vingt mois de silence, Sylvia Bongo Ondimba, épouse de l’ancien président Ali Bongo, et son fils aîné, Noureddin Bongo, ont décidé de s’exprimer.
Dans une déclaration poignante adressée à la presse ce mercredi 3 juillet, ils accusent les nouvelles autorités gabonaises, issues du coup d’État militaire du 30 août 2023, de « détention arbitraire », de « tortures répétées » et de « confiscation illégale de biens familiaux ». « Nous remercions de tout cœur la communauté internationale, en particulier l’Union africaine, de nous avoir sauvé la vie en nous libérant de plus de 20 mois de détention arbitraire », affirment-ils, évoquant un calvaire qui a débuté au lendemain de la chute du régime Bongo.
Un coup d’État aux répercussions familiales
Le 30 août 2023, peu après l’annonce contestée de la réélection d’Ali Bongo Ondimba pour un troisième mandat, un groupe d’officiers dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la Garde républicaine, a pris le pouvoir à Libreville, invoquant des « irrégularités électorales » et une « gouvernance dynastique ». Ali Bongo, affaibli par un AVC en 2018, a été placé en résidence surveillée. Sylvia Bongo et son fils Noureddin, soupçonnés de corruption et de détournements de fonds publics, ont été arrêtés dès les premières heures de la transition militaire.
Selon leur témoignage, toute leur famille, y compris « un enfant d’un an », aurait été prise en otage et isolée. « Nous avons été humiliés, brutalisés, soumis à des mises en scène mensongères destinées à justifier la prise de pouvoir », déclarent-ils.
Des accusations graves contre le régime en place
Leur témoignage est accablant. La mère et le fils décrivent un régime de détention d’une rare sévérité : isolement prolongé, conditions inhumaines, tortures infligées dans le sous-sol du palais présidentiel, « six étages en dessous des appartements du président Oligui Nguema ». Parmi les méthodes de torture évoquées figurent l’électrocution, la noyade, les coups, les fouets et des pressions physiques et psychologiques extrêmes.
Ils accusent des militaires proches du nouveau président d’avoir orchestré ces traitements et de les avoir contraints à signer la cession de leurs biens, « aujourd’hui partagés entre les proches du pouvoir ». La veille de leur libération, des documents leur auraient été imposés, les contraignant « au silence ».
Des preuves remises à la justice française
Sylvia Bongo et son fils annoncent leur intention de porter leur combat sur la scène judiciaire et médiatique internationale. Ils affirment détenir des « preuves audio et vidéo irréfutables », qu’ils s’apprêtent à transmettre à la justice française. Parmi ces preuves figureraient des enregistrements d’autorités judiciaires avouant agir sous l’instruction directe du chef de la junte, ainsi que des confessions de militaires impliqués dans des actes de torture.
Leur déclaration dénonce également un « faux procès » à venir, organisé par contumace pour légitimer, selon eux, leur détention passée et la confiscation de leurs avoirs.
Une rupture dans le silence
Cette prise de parole intervient alors que le régime du général Oligui Nguema cherche à asseoir sa légitimité en promettant des réformes, une lutte contre la corruption et l’organisation d’élections transparentes. Le discours de Sylvia et Noureddin Bongo met en lumière les tensions persistantes autour de l’héritage du clan Bongo, qui a dirigé le Gabon sans partage pendant plus d’un demi-siècle.
« Le sort qui a été réservé à notre famille est d’une cruauté criminelle », écrivent-ils. « Nous nous battrons jusqu’au bout pour que vérité soit connue et que justice soit faite. »
Le ministère de la justice gabonais n’a pas encore réagi officiellement à ces accusations graves. Le gouvernement de transition, déjà critiqué pour des atteintes aux droits de l’homme, pourrait voir cette affaire relancer le débat sur l’état de droit au Gabon.
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