Une chronique de Hilaire Ngoualeu Hamekoue
« L’État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi. » C’est ce que proclame l’article 1, alinéa 2 de la Constitution. Pourtant, cette noble déclaration reste une coquille vide lorsqu’il s’agit des peuples Pygmées.
Présents depuis des millénaires sur le territoire national, les Baka, Bagyéli, Bakola et Bedzang n’ont jamais cessé d’être relégués aux marges, à l’écart des circuits de l’économie dominante, et encore plus éloignés du champ politique. Leur sort demeure l’un des angles morts les plus criants de la gouvernance nationale.
Et pourtant, aucune communauté n’illustre mieux la double exigence posée par la Constitution : être protégé en tant que minorité et respecté en tant qu’autochtones.
Ils sont invisibles dans tous les espaces de décision : pas un député, pas un sénateur, pas un ministre, pas même un membre du Conseil économique, social et culturel ne vient de ces communautés. Et ce, dans un pays qui brandit pourtant à chaque discours la nécessité de « l’équilibre sociologique ».
On les cite parfois dans les rapports ou les expositions culturelles, mais jamais dans les stratégies de gouvernance. On exploite leurs forêts, on déplace leurs villages, mais on oublie de les consulter. À l’école, à l’hôpital, dans les mairies, leur réalité reste celle d’une citoyenneté de façade.
Le vrai test de l’unité nationale, ce n’est pas la multiplication des discours d’équilibre, mais la capacité d’une nation à faire une place, même modeste, à ceux qui n’en ont jamais eu.
La République ne peut se contenter de mots. Elle a le devoir d’inscrire les peuples autochtones dans le présent et l’avenir du pays, non comme des reliques d’un passé lointain, mais comme des acteurs à part entière, détenteurs de cultures, de savoirs et de droits.
Et tant que les premiers peuples du Kamerun resteront les derniers dans la République, l’équilibre restera un mot vide, et la justice, un mirage, car, une nation qui oublie ses premiers peuples nie une partie d’elle-même.
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