Le ministère de l’Administration territoriale (MINAT) a publié lundi un communiqué particulièrement sévère visant Issa Tchiroma Bakary, qui s’est autoproclamé vainqueur de l’élection présidentielle moins de 24 heures après le scrutin du 12 octobre. Signé par Paul Atanga Nji, désigné « Agent du Gouvernement dans le processus électoral », le texte parle de « faits d’une extrême gravité » et reproche au candidat d’avoir « violé tous les textes juridiques encadrant le processus électoral » en diffusant « un message enregistré à partir de son domicile dans lequel il s’est autoproclamé vainqueur du scrutin présidentiel ».
Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale du Cameroun
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Présidentielle camerounaise 2025 : Paul Atanga Nji accuse Issa Tchiroma Bakary d’« imposture » après son autoproclamation

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Un communiqué au ton ferme

Le document, long de deux pages et rédigé sur un ton péremptoire, fustige l’attitude du candidat. « Le ministre de l’Administration territoriale dénonce et condamne avec la plus grande fermeté cette imposture et le comportement irresponsable de ce candidat aux abois », écrit le ministère, avant d’ajouter : « Dans sa démarche conspirationniste et anti-républicaine, le candidat Issa Tchiroma Bakary cherche à perturber le processus électoral qui se déroule normalement. »

Le communiqué accuse Tchiroma d’exécuter « un plan diabolique savamment planifié avec ses réseaux occultes au pays et à l’étranger visant à mettre le Cameroun à feu et à sang ». Il rappelle que « seul le Conseil constitutionnel est habilité à arrêter et proclamer les résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 » et que toute proclamation parallèle constitue une infraction. « L’attitude irresponsable et arrogante du candidat Issa Tchiroma Bakary sera traitée le moment venu avec rigueur et fermeté », conclut le texte, qui évoque des « précédents similaires lors des scrutins de 1992 et 2018, qui n’ont pas prospéré ».

Résultats officieux et désinformation numérique

En attendant la proclamation officielle par le Conseil constitutionnel, la bataille de l’opinion s’est déplacée vers les réseaux sociaux, où circulent des chiffres contradictoires. Des activistes et des influenceurs affiliés à la Brigade Anti-Sardinards (BAS), opposée au régime Biya, relaieraient des publications affirmant la victoire d’Issa Tchiroma. Le gouvernement soupçonne la diffusion de faux résultats et de fausses informations destinées à semer le doute.

Le communiqué évoque explicitement ces manœuvres : « En complicité avec des officines occultes locales et étrangères, ce candidat a mis en place un réseau de plateformes pour soi-disant recenser les résultats du scrutin et les proclamer au mépris des instances compétentes. » La multiplication de données non vérifiées nourrit la confusion et contribue à radicaliser certains partisans de l’opposition. Plusieurs observateurs rapprochent cette stratégie de celle de 2018, lorsque Maurice Kamto avait revendiqué la victoire avant la proclamation officielle, déclenchant des tensions et des vagues d’arrestations.

Un ancien allié passé dans l’opposition

Ancien porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary a longtemps soutenu le régime de Paul Biya avant de s’en détacher. Il dirige depuis 2010 le Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), parti jusque-là allié au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). L’annonce de sa candidature en juin a marqué le passage d’un ancien fidèle à une position d’opposant. Selon des sources diplomatiques citées par Reuters, Tchiroma comptait capitaliser sur le désenchantement d’une partie de la jeunesse urbaine, sensible à son discours de « redressement moral » du pays.

Le MINAT défend la régularité du scrutin

Le communiqué d’Atanga Nji défend la régularité du vote et souligne la présence de 5 575 observateurs nationaux et internationaux déployés dans les dix régions. « De l’avis de ces observateurs, le scrutin présidentiel s’est déroulé sans incident majeur sur l’ensemble du territoire national », affirme le texte. « Les quelques irrégularités constatées çà et là ne sont pas susceptibles de modifier les résultats du vote, encore moins la sincérité du scrutin. »

Le ministre réaffirme la détermination du gouvernement à maintenir l’ordre public et à protéger « les personnes et leurs biens avant, pendant et après le scrutin », précisant qu’il agit « en exécution des Très Hautes Directives de S.E. Paul Biya, Président de la République, Chef de l’État ». Le communiqué se termine par une formule rapportée au chef de l’État : « Il ne faut pas jouer avec le Cameroun. »

Un écho des crises passées

Pour nombre d’analystes, cette réaction gouvernementale s’inscrit dans la continuité d’une politique de dissuasion déjà mise en œuvre en 2018. À l’époque, la proclamation anticipée de Maurice Kamto avait entraîné des arrestations massives, un durcissement sécuritaire et une restriction de l’espace médiatique. En 2025, le contexte a évolué avec la numérisation du débat politique : les réseaux sociaux servent à la fois de tribune, de caisse de résonance et de champ de bataille.

L’opinion nationale reste en attente de la décision du Conseil constitutionnel, seule instance habilitée à clore cette séquence électorale à haut risque.

Louis Ébène

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