À quelques jours de la clôture du dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle camerounaise, prévue le 12 octobre 2025, une femme se distingue dans un paysage politique largement dominé par les hommes.
A la UneCamerounPolitique

Présidentielle 2025 au Cameroun : Geneviève Zeh Amvene, une femme en lice dans une arène dominée par les hommes

0

À quelques jours de la clôture du dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle camerounaise, prévue le 12 octobre 2025, une femme se distingue dans un paysage politique largement dominé par les hommes.

Geneviève Zeh, épouse Amvene, récidive : elle a officiellement déposé sa candidature à la magistrature suprême du Cameroun. C’est la seconde fois qu’elle se lance dans cette course semée d’embûches, après une première tentative infructueuse en 2018.

À l’époque, face aux juges du Conseil constitutionnel qui rejetaient sa candidature, elle s’était exclamée avec audace : « Que fera le Cameroun sans moi ? » Une formule restée dans les mémoires, à la croisée du défi politique et de la proclamation messianique. Aujourd’hui encore, celle qui se présente comme indépendante se définit comme une candidate « portée par une mission divine », une posture qui suscite autant d’adhésion que de scepticisme.

Une exception dans l’histoire politique camerounaise

Geneviève Zeh Amvene est, à l’heure actuelle, la seule femme déclarée parmi une dizaine de candidats masculins, dont le président sortant Paul Biya (RDPC), l’opposant Maurice Kamto (MRC/MANIDEM), Josuah Osih (SDF) et Cabral Libii (PCRN). Ce déséquilibre est révélateur d’une marginalisation persistante des femmes dans l’espace politique camerounais.

Depuis l’indépendance en 1960, aucune femme n’a jamais été élue ( ni même véritablement perçue) comme une prétendante sérieuse à la présidence. Si certaines ont accédé à des fonctions importantes (ministres, présidentes d’institutions, préfètes ou directrices générales), la fonction présidentielle demeure dans l’imaginaire collectif un bastion masculin.

Le paradoxe est d’autant plus frappant que les femmes représentent plus de la moitié de la population camerounaise. Pourtant, leur poids dans les sphères de décision reste largement marginal. Les discours sur la parité, souvent portés lors des foras internationaux, peinent à se concrétiser dans les pratiques politiques nationales. Dans ce contexte, la démarche de Geneviève Zeh Amvene, même isolée, apparaît comme un acte de rupture et un appel à reconsidérer les hiérarchies établies.

Une société ambivalente face à la présidence au féminin

Sur les réseaux sociaux, les réactions à cette candidature féminine oscillent entre encouragements, critiques et moqueries. Certains internautes saluent le courage de la prétendante : « Elle est vraiment courageuse. Mais j’estime qu’elle devrait corriger sa mise pour s’imposer face à ses adversaires. »

D’autres s’interrogent sur l’attitude ambivalente de la société camerounaise, en particulier des femmes elles-mêmes, face à une possible présidente : « Les femmes du Cameroun n’ont jamais encouragé une femme candidate. Elles réclament pourtant la parité dans tous les autres postes, mais pas à la présidence. »

Un débat de fond se dessine également autour de la dimension spirituelle de la candidature. Geneviève Zeh se présente comme la « candidate de Dieu », une posture que contestent ceux qui rappellent le principe de laïcité du pouvoir politique : « Jésus a dit : “Mon royaume ne fait pas partie de ce monde.” Toute autorité vient de Dieu, certes, mais cela ne justifie ni la fraude ni la violence. »

Une candidature entre conviction, prophétie et défi politique

Dans une République où le pouvoir est monopolisé depuis plus de quatre décennies par le même homme, l’émergence d’une candidature féminine ne manque pas de symbolique. En se positionnant face aux figures les plus établies de la scène politique, Geneviève Zeh Amvene incarne une tentative ( encore marginale mais significative) de bousculer l’ordre établi.

Si sa candidature venait à être validée d’ici la date limite de dépôt, fixée au 21 juillet 2025, elle marquerait, quel que soit le résultat du scrutin, une étape importante dans l’histoire politique du pays. Les candidats officiellement enregistrés à ce jour incluent Paul Biya (RDPC), Maurice Kamto (MRC/MANIDEM), Josuah Osih (SDF), Cabral Libii (PCRN), Akere Muna (Univers), Jean Gwet (MPCC), Bougha Hagbe Jacques (MCNC), Djaouro Ruben (PNPC), Kisop Bertin (CPSJ) et Kamgan-Tan Eric (LDCRC).

Ainsi, la démarche de Geneviève Zeh Amvene mérite d’être saluée, non pas uniquement pour sa dimension religieuse ou symbolique, mais pour ce qu’elle révèle d’une volonté de transformation des mentalités. En se présentant à la présidence, elle défie les normes et propose un autre regard sur la place des femmes dans la gouvernance. À travers ce geste, elle ouvre un espace (encore fragile )à d’autres aspirations féminines, contribuant à faire émerger une société camerounaise plus équitable, où l’égalité des genres ne serait plus une revendication abstraite, mais une réalité politique tangible.

Louis Ébène

Opinion : « l’État n’est pas un champ de bataille, mais un espace de justice, de dialogue et de dignité »

Previous article

You may also like

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *