À l’approche des élections présidentielles, Paul Biya a accordé une audience à Mgr José Avelino Bettencourt, Nonce apostolique au Cameroun, dans un contexte politique tendu. Cette rencontre, marquée par des enjeux diplomatiques et symboliques, souligne les relations complexes entre le Cameroun et le Saint-Siège.
Ce mardi 15 juillet 2025, deux jours seulement après l’annonce officielle de sa candidature à un nouveau mandat présidentiel, le chef de l’État camerounais, Paul Biya, a reçu en audience, au Palais de l’Unité, Mgr José Avelino Bettencourt, Nonce apostolique au Cameroun et en Guinée Équatoriale. Cette rencontre, à forte teneur diplomatique et symbolique, s’inscrit dans un contexte où les relations entre l’État camerounais et le Saint-Siège se veulent stratégiques, mais non exemptes de nuances, notamment en raison des prises de position récentes de certains prélats sur la scène politique nationale.
Cette audience, présentée officiellement comme une concertation sur des sujets d’intérêt commun, s’inscrit dans le sillage de la relation diplomatique établie par l’Accord-cadre signé le 13 janvier 2014 entre le Saint-Siège et la République du Cameroun. Cet accord consacre une coopération étroite, fondée sur le respect mutuel et la reconnaissance du rôle de l’Église catholique dans la vie morale, sociale et éducative du pays. La célébration du 10e anniversaire de ce texte avait d’ailleurs donné lieu, en novembre 2024, à la visite de Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les Relations avec les États du Vatican, accueilli solennellement par Paul Biya.
Cependant, cette nouvelle audience survient dans un contexte singulier. L’annonce de la candidature de Paul Biya pour un nouveau mandat a suscité, comme en 2018, des commentaires implicites – voire explicites – de certains membres de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC). Plusieurs évêques ont récemment appelé à un renouvellement de la gouvernance, évoquant « le poids de l’histoire » et « l’urgence d’un dialogue générationnel ». Bien que les évêques s’en tiennent à une prudente neutralité officielle, leurs homélies s’apparentent parfois à des plaidoyers voilés pour une transition politique.
Le Vatican, de son côté, maintient une ligne diplomatique classique, fondée sur la neutralité et la promotion du bien commun. Le Nonce Bettencourt, qui assure la fluidité des rapports entre le Saint-Siège et Yaoundé, s’emploie à renforcer cette dynamique institutionnelle. « C’est un partenaire familier des arcanes du pouvoir camerounais », confie un diplomate africain en poste à Rome.
Les relations entre le Cameroun et le Vatican sont anciennes. Elles se sont intensifiées avec les visites de Jean-Paul II en 1985 et 1995, ainsi que la proclamation à Yaoundé en 1995 de l’exhortation apostolique Ecclesia in Africa. Plus récemment, la participation du Cameroun aux obsèques du Pape François, puis à l’inauguration du pontificat de Léon XIV, témoigne d’un engagement diplomatique réciproque. L’Église Catholique demeure un acteur influent dans les domaines de la santé, de l’éducation, mais aussi du discours moral sur la nation.
Dans ce contexte, l’audience du 15 juillet peut être interprétée comme une tentative de rassurer, voire de recueillir une forme de bénédiction tacite du Saint-Siège à un moment où la candidature du président sortant est de nouveau source de tensions internes. Si le Vatican se garde bien d’interférer, l’histoire récente démontre que les gestes symboliques, dans la tradition Catholique, n’ont rien d’anodin.
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