En pleine saison des pluies, période propice à l’explosion des cas de paludisme, le ministre camerounais de la Santé publique, Dr Malachie Manaouda, a effectué, le mardi 10 juin, une tournée inopinée dans plusieurs formations sanitaires de la capitale économique. L’objectif de cette visite était de constater, sans fard ni préparatifs, la qualité des soins et des infrastructures dans une ville qui concentre à elle seule plus de 15 % de la population du pays.
Le premier arrêt a eu lieu à l’hôpital de district de New Bell, situé dans un quartier populaire au cœur de Douala. Connu pour ses prises de parole directes et ses descentes surprises, le ministre s’est attardé sur les conditions d’hygiène, visitant les blocs sanitaires et s’enquérant des dispositifs anti-vectoriels. « Le paludisme reste la première cause de consultation dans nos formations sanitaires », a-t-il déclaré avec gravité. Selon les statistiques officielles, cette maladie est responsable de près de 3 000 décès par an au Cameroun, dont une large majorité concerne des enfants de moins de cinq ans.
En 2024, le pays a enregistré plus de 5,8 millions de cas de paludisme, malgré les efforts du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), soutenu par divers bailleurs internationaux, dont le Fonds mondial. À New Bell, le ministre s’est félicité de la prise en compte de ses précédentes recommandations, notamment en matière d’assainissement.
La seconde étape de sa visite l’a conduit à l’hôpital de district de Nylon, où il a surpris les équipes locales en pleine préparation de la campagne nationale de distribution des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA), prévue pour 2025-2026. Ce programme, d’envergure nationale, prévoit de distribuer près de 15 millions de moustiquaires à travers le territoire, avec une priorité accordée aux zones à forte endémie. « Il n’est plus question que ces moustiquaires se retrouvent dans des circuits parallèles », a martelé le ministre, en référence aux nombreux détournements signalés lors des précédentes campagnes. Des enquêtes menées en 2022 avaient révélé que plus de 18 % des MILDA n’étaient pas parvenues aux bénéficiaires ciblés.
La dernière escale s’est déroulée au Centre médical d’arrondissement (CMA) de Nkouloloun, dans Douala II. Ici, c’est l’occupation anarchique de l’espace hospitalier par des véhicules privés qui a retenu l’attention du ministre. Visiblement irrité, il a donné 48 heures aux responsables pour faire libérer les lieux, sous peine de sanctions disciplinaires. Au-delà du stationnement illicite, Dr Manaouda a insisté sur la nécessité de valoriser les structures intermédiaires, telles que les CMA, souvent boudées par les patients au profit des grands hôpitaux, malgré leur rôle stratégique dans le système de santé de proximité. En 2023, selon le Minsanté, moins de 40 % des consultations de premier recours ont eu lieu dans ces centres médicaux d’arrondissement, alors qu’ils devraient être la porte d’entrée principale du système.
Ces visites, désormais fréquentes, s’inscrivent dans une stratégie de contrôle renforcé des services publics de santé. Depuis sa prise de fonction en janvier 2019, Dr Manaouda a multiplié les descentes inopinées dans les hôpitaux, tout en imposant des sanctions contre les personnels défaillants. Sous son mandat, le ministère a mis en place un système de gestion des plaintes via des numéros verts et lance cette année un programme de digitalisation de la gestion hospitalière, censé améliorer la traçabilité des médicaments et des prestations.
Reste à savoir si cette gouvernance de terrain suffira à combler les failles d’un système confronté à un déficit chronique de personnel (environ 0,8 médecin pour 10 000 habitants, selon l’OMS) et à une infrastructure hospitalière largement vétuste dans plusieurs régions du pays.
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