Kevin Mbieleu lance une campagne nationale sur la cybersécurité. Photo//LPA
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Kevin Mbieleu : au Cameroun, environ « 500 cas de kidnapping annuel sont causés par des actions cybernétiques »

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Fondateur de Codam et auteur d’un livre sur la cybersécurité pour les jeunes, Kevin Mbieleu et son équipe ont procédé samedi 29 mars 2025, au lancement d’une campagne nationale pour l’éducation à la cybersécurité au Cameroun. Approuvé par plusieurs experts en cybersécurité et en éducation, ce livre disponible en français et en anglais, a déjà touché plus de 1000 enfants et familles à travers le pays. La campagne en cours vise à éduquer 1 000 000 jeunes dans les zones urbaines et rurales sur les bonnes pratiques en ligne. L’initiateur de la campagne dévoile ses contours dans cet entretien.  

Qu’est-ce qui a motivé la rédaction d’un livre sur la cybersécurité ?

La motivation vient des actions de mon association ; parce qu’il faut noter que je suis le fondateur de Codam, une organisation dans le domaine de la technologie qui fait dans l’initiation et la sensibilisation des jeunes sur la robotique, le codage et en cybersécurité. A travers cette organisation, depuis 2020, nous menons plusieurs actions sur le territoire national pour sensibiliser à travers des ateliers dans des écoles en partenariat avec l’Antic (Agence nationale des technologies de l’information et de la communication) et le Minpostel (ministère des Postes et télécommunications). Nous avons même un festival dédié à la citoyenneté numérique, où on accompagne les jeunes. Fort de l’impact de nos activités et avec une volonté de pouvoir rendre cela un peu plus performant, on s’est dit qu’il nous fallait des outils en tenant compte des statistiques très alarmantes…

Justement, pouvez-vous nous communiquer ces statistiques alarmantes ?

Seulement au Cameroun, avec environ 40% dans les régions du Littoral et du Centre, nous avons un million de jeunes victimes de cyber-harcèlement. On a également environ 500 cas de kidnapping annuel causés par des actions cybernétiques. Et en termes d’abus sexuels, on a plus de mille cas répertoriés dû à l’ignorance des jeunes sur Internet. Je prends par exemple l’échange de contenus à but sexuel avec des camarades, qui est pour certains jeunes quelque chose d’amusant dont ils ignorent l’impact direct tel que l’exposition des contenus auprès des prédateurs sexuels. Ils peuvent être attaqués. Ces contenus sont également dangereux pour leur avenir professionnel et scolaire. Aujourd’hui, une enquête de moralité va chercher jusqu’à savoir quelle vie ces jeunes mènent en ligne. On parle de l’addiction à l’écran. Aujourd’hui c’est des choses qui ont été normalisées où les jeunes passent plus de 9h sur l’écran. C’est un problème. Il y a un problème qui est international : la croissance des cybercriminels qui opèrent à travers de nouvelles formes tous les jours. Nos jeunes sont malheureusement les plus exposés et touchés.

Votre campagne de sensibilisation vise un million d’internautes au Cameroun avant la fin de cette année. Comment comptez-vous procéder pour atteindre cet objectif?

Tout dépend de l’approche et de l’innovation que nous souhaitons apporter avec cette campagne. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des Postes et télécommunications qui nous parraine. Le lancement de cette campagne est placé sous le haut patronage du ministère des Télécoms. Avec des actions menées étroitement avec l’Etat et des stratégies bien appliquées à travers les communautés, les écoles et même une grande plateforme nationale sur la cybersécurité que nous sommes en train de mettre sur pied. Ça va permettre de toucher les jeunes. Pas seulement en présentiel dans les salles de classe, mais également sur les réseaux sociaux. C’est à travers ces canaux que nous voulons, non seulement mener la sensibilisation, mais également la formation parce qu’après, on a besoin des pairs formateurs. Ces pairs formateurs doivent être des jeunes qui vont pouvoir relayer l’information avec une sorte de simplicité ou même avec la même approche ludique comme on le fait avec d’autres choses qu’on partage avec nos camarades. Nous voulons former environ un million de jeunes au Cameroun.

Vous ne pensez pas que l’idéal serait de réguler les plateformes numériques auxquelles sont exposés nos jeunes ?

Effectivement, nous avons un plaidoyer que nous menons, non seulement auprès du gouvernement, mais également auprès des organismes locaux et internationaux pour nous accompagner pour qu’on puisse avoir une régulation un peu plus stricte. En attendant cette régulation, le véritable problème vient au niveau de l’éducation. Ces effets négatifs viennent très souvent de l’ignorance. L’éducation est pour nous le premier pas.  Tout ce que tu fais sur Internet ne disparaît pas. Un like, un partage. La vidéo nue que tu as envoyée à un camarade, peut-être vue dans 10, 15 ans par un employeur potentiel. Envoyer une vidéo ou une photo nue en vue unique ne signifie rien. Ce sont des données qui restent et peuvent être identifiées. On doit commencer par la prise de conscience, c’est pour cela que nos formations commencent à partir de 5 ans, quand un enfant n’a pas encore été exposé aux dangers des réseaux sociaux. Comme vous l’avez dit plutôt, on a besoin des actions plus strictes de l’Etat, de mettre en œuvre des réseaux sociaux purement africains qui font la promotion de nos valeurs. Pourquoi pas, ça peut paraître radical, empêcher le fonctionnement de certains réseaux sociaux dans notre pays ou peut-être rendre strict le contenu qui circule. Mais il faut que l’Etat s’engage à le faire.

Est-ce que vous abordez souvent ces questions pendant vos séances de travail avec votre partenaire le Minpostel ?

Avec le Minpostel, nous abordons plusieurs questions, principalement ces dangers. Ils en sont conscients comme chacun d’entre nous. Ils font ce qu’ils peuvent. On ne peut pas dénigrer l’action qu’ils mènent à travers leur vaste campagne nationale annuelle qui a un impact. Mais je pense que l’Etat peut encore mieux faire.

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