Face aux fragilités structurelles qui menacent la stabilité économique de la CEMAC, le Fonds de Garantie des Dépôts en Afrique Centrale (FOGADAC) apparaît comme un outil stratégique sous-employé. Une réforme ambitieuse pourrait lui permettre de jouer un rôle décisif dans la relance régionale, en soutenant l’accès au financement productif et en renforçant la souveraineté économique.
Les économies de la CEMAC – Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad – livrent un combat quotidien contre plusieurs menaces structurelles : l’endettement extérieur, le sous-financement chronique du tissu productif, la dépendance aux importations, et la persistance d’un risque latent de dévaluation.
Face à ces vulnérabilités, l’arsenal institutionnel existant montre ses limites. Si la création du FOGADAC en 2009 par la Commission bancaire d’Afrique centrale (COBAC) et la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a permis de sécuriser l’épargne et de préserver la confiance dans le secteur bancaire, son rôle actuel reste essentiellement défensif.
Or, dans un environnement où la croissance est fragile et où les besoins de financement de l’économie réelle s’accentuent, une redéfinition de sa mission apparaît indispensable.
Le Comité de Vigilance Financière CEMAC (CVFC) plaide pour une réforme ambitieuse du FOGADAC afin de l’adapter aux exigences du contexte actuel. Il ne s’agit pas de remettre en cause sa vocation première de garantie des dépôts, mais d’élargir son périmètre d’action pour soutenir le financement de projets productifs et structurants.
Trois axes de transformation sont proposés :
– Élargissement du mandat : au-delà de l’indemnisation post-faillite, le FOGADAC pourrait garantir les crédits accordés aux petites et moyennes entreprises (PME), aux projets d’infrastructures et aux initiatives de transition verte.
– Création d’un fonds spécial de garantie: en mobilisant une partie de la surliquidité bancaire et en nouant des partenariats avec les Caisses de Dépôts régionales ainsi qu’avec des bailleurs internationaux.
– Ciblage des secteurs stratégiques: en soutenant prioritairement les secteurs agricole, industriel et énergétique pour réduire la dépendance extérieure et renforcer la résilience économique régionale.
Selon les analyses du CVFC, la réforme du FOGADAC pourrait générer des effets systémiques positifs :
– Un accès élargi au crédit pour les PME, vecteur d’industrialisation locale,
– Une réduction de la dépendance aux importations, préservant ainsi les réserves de change,
– Un renforcement de la stabilité financière, en limitant le risque de défaillance bancaire systémique,
– Une stimulation de la croissance endogène et de l’emploi, conditions essentielles de la souveraineté économique régionale.
À l’instar du choix tactique opéré lors de la finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2017, où l’entrée inattendue du défenseur Nicolas Nkoulou a permis au Cameroun de renverser la situation, la CEMAC se trouve à un tournant décisif. Faire évoluer le FOGADAC vers un rôle plus offensif pourrait constituer l’égalisation économique tant attendue avant de viser la victoire durable.
« La victoire appartient toujours à ceux qui osent », rappelle Charles Menye. Réformer le FOGADAC, c’est refuser la résignation économique, c’est choisir l’investissement dans les forces productives locales, et c’est renforcer l’intégration régionale comme rempart contre les chocs extérieurs.
La CEMAC dispose des outils. Il lui reste à prendre les décisions stratégiques pour écrire une nouvelle page de son développement.
Par Charles Menye, Expert financier – Comité de Vigilance Financière CEMAC (CVFC)
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