Une chronique de Hilaire Ngoualeu Hamekoue
Dans le paysage politique Kamerunais, le chauvinisme ethnique est devenu une norme sournoise, profondément enracinée dans les pratiques partisanes. Trop souvent, un parti politique n’est plus identifié à son idéologie ou à son programme, mais simplement à l’ethnie de son leader. Le débat politique se tribalise, et l’adhésion devient identitaire.
Le phénomène est si courant qu’il ne choque presque plus. On suit un parti non parce qu’on adhère à ses idées, mais parce que « c’est le parti du frère ». Et même lorsque ce « frère » vous écarte ou ignore votre existence, la fidélité communautaire reste intacte. L’idéologie ? Les statuts ? Les résolutions ? Trop souvent inconnus ou ignorés.
Le militantisme devient un réflexe ethnique, au détriment de la conscience citoyenne. Le parti n’est plus un espace de débat, mais un prolongement du village. Ceux qui ne sont pas de la même communauté que le leader sont souvent considérés comme des éléments étrangers, des « instruits » venus faire de la figuration. Ils sont tolérés, parfois utilisés, rarement intégrés.
Ce repli identitaire affaiblit les partis et fragilise la démocratie. Il empêche l’émergence d’une pensée politique nationale. Il nourrit la méfiance, le soupçon, la stigmatisation. Il bloque toute tentative de réforme interne, car on ne critique pas « un frère » même quand il est incompétent. Il divise la nation, alimente la méfiance, et affaiblit l’idée même de la République. Il empêche l’émergence de leaders compétents
Face à cette dérive silencieuse du militantisme communautaire, l’engagement politique doit redevenir une école de discernement et de participation, pas une extension de la tribu. Il faut repolitiser les partis. Rappeler que l’engagement politique ne se résume pas à une loyauté tribale, mais à une conviction citoyenne. Que le chef du parti n’est pas un chef traditionnel, et que le militantisme n’est pas un culte de la personnalité.
Il est temps que chaque militant se demande : pourquoi suis-je dans ce parti ? Pour les idées ou pour le nom de famille du président ? C’est à cette question que se jouera l’avenir du pays .La démocratie ne se construit pas sur les liens du sang, mais sur les idées.
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