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Cameroun : l’UPC appelle à un gouvernement d’union nationale face aux remous politiques

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Dans un communiqué diffusé le 7 juillet 2025, l’Union des Populations du Cameroun (UPC) a brisé le silence face à la situation politique instable que traverse le pays à quelques mois de l’élection présidentielle. Le parti historique, dirigé cette année par le Pr Jean Bahebeck, candidat déclaré à la magistrature suprême, exprime sa profonde inquiétude face aux tensions croissantes résultant des démissions de plusieurs figures politiques, anciennement alliées au régime en place.

L’UPC décrit l’atmosphère actuelle comme « une intense agitation », marquée par des ruptures d’alliances au sein du gouvernement. Le parti y dénote des similitudes troublantes avec deux épisodes clés de l’histoire politique du Cameroun : la chute du Premier ministre André Marie Mbida en février 1958 et la tentative de coup d’État militaire d’avril 1984. Dans les deux cas, rappelle l’UPC, des dissensions internes au sommet de l’État avaient précipité des bouleversements violents et durables.

1958 et 1984 : des traumatismes encore vifs

Le communiqué revient sur le renversement d’André Marie Mbida, premier Premier ministre du Cameroun indépendant, élu démocratiquement mais contraint à la démission sous la pression du haut-commissaire français Jean Ramadier. Sa chute ouvrit la voie à l’ascension d’Ahmadou Ahidjo, figure consensuelle pour la France, mais dont le régime allait instaurer une concentration du pouvoir autour du parti unique. Le retrait précipité de figures comme Paul Soppo Priso et Njoya Arouna au profit d’Ahidjo est interprété par l’UPC comme une trahison politique, orchestrée pour étouffer le pluralisme naissant.

Autre référence majeure : les événements de 1984, lorsque des tensions internes au sein de l’élite militaire aboutissent à une tentative de coup d’État contre le président Paul Biya, successeur d’Ahidjo. La répression est brutale : des centaines de morts (le bilan officieux évoque plus de 1 000 victimes) et un climat de suspicion durable au sein de l’appareil d’État. L’UPC établit un parallèle entre ces périodes sombres et les tensions actuelles, qu’elle considère comme des signes précurseurs d’un nouveau basculement si rien n’est fait pour rétablir le dialogue.

L’UPC : un héritage politique de lutte et d’exil

Parti fondé en 1948 par Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié, Ernest Ouandié et d’autres figures emblématiques du nationalisme africain, l’Union des Populations du Cameroun s’est historiquement opposée à la domination coloniale française, appelant très tôt à l’indépendance et à l’unification du Cameroun.

Dissoute en 1955 par les autorités coloniales françaises, l’UPC a été bannie de la vie politique, poussant ses dirigeants dans la clandestinité ou à l’exil. La répression féroce qui s’ensuivit (assassinats de Ruben Um Nyobè en 1958, de Moumié en 1960 et d’Ouandié en 1971) fit du parti un symbole du martyre républicain camerounais. Ce lourd tribut versé à la cause de l’indépendance reste au cœur de sa légitimité morale et politique.

Depuis la restauration du multipartisme en 1990, l’UPC a tenté de se réorganiser, malgré des divisions internes et des récupérations politiques qui ont affaibli sa présence sur l’échiquier national. En 2025, sous la bannière du professeur Jean Bahebeck, universitaire engagé et intellectuel panafricaniste, le parti semble vouloir renouer avec son ADN historique : porter une vision alternative, progressiste et inclusive de la gouvernance camerounaise.

Un appel à l’apaisement et à la refondation républicaine

Face à ce climat politique tendu, le Pr Jean Bahebeck, au nom de l’UPC, appelle à « la modération, à l’apaisement et au dialogue ». Il invite les forces politiques et les citoyens, y compris ceux des régions en conflit (notamment les zones anglophones), à éviter toute escalade et à s’investir dans la construction d’un avenir commun.

Mais l’élément central du communiqué reste la proposition d’un Gouvernement d’Union Nationale de Transition (GUNT), à constituer à l’issue de l’élection présidentielle de 2025, quel que soit le vainqueur. L’UPC y voit un levier de stabilité permettant de : – soulager les souffrances du petit peuple, – panser les plaies de l’histoire nationale, – refonder la République sur des bases démocratiques, inclusives et justes.

L’initiative se veut à la fois réaliste et ambitieuse, dans un contexte où les institutions semblent à bout de souffle, les tensions sociales exacerbées et le risque de rupture toujours présent.

Le retour d’une voix historique ?

Alors que le Cameroun s’apprête à vivre l’un des scrutins les plus incertains de son histoire contemporaine, la voix de l’UPC pourrait bien retrouver une résonance inattendue. Porteur d’un lourd héritage, mais porteur aussi d’une proposition concrète de transition, le Pr Bahebeck remet au cœur du débat la nécessité d’une refondation concertée, dans un esprit de réconciliation et de justice mémorielle.

Reste à voir si les autres forces politiques accepteront de jouer la carte de l’unité, ou si, une fois encore, les rivalités et ambitions personnelles l’emporteront sur l’intérêt national.

Simon Keng

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