Le 1er janvier 1960, le Cameroun accédait à l’indépendance, devenant l’un des premiers États souverains d’Afrique francophone. Pourtant, avant même cette date historique, un homme avait déjà posé les jalons du tout premier gouvernement camerounais : André-Marie Mbida, premier Chef du Gouvernement du Cameroun sous tutelle, de mai 1957 à février 1958.
Homme d’État visionnaire, avocat de formation, Mbida avait incarné l’espoir d’une nation en construction, portant haut les aspirations d’autonomie et de dignité de son peuple. C’est lui qui, le premier, parla publiquement d’« indépendance immédiate », alors même que la métropole française s’accrochait à ses colonies.
Et pourtant, malgré son rôle historique incontestable, André-Marie Mbida reste cruellement absent de la mémoire officielle. À ce jour, ni rue, ni place, ni bâtiment public majeur ne porte son nom à Yaoundé, capitale politique du pays. Pas même une ruelle. Un silence pesant, presque coupable, que rien ne semble justifier.
L’histoire a souvent retenu les figures de ceux qui ont proclamé ou consolidé l’indépendance en 1960. Mais comment comprendre que celui qui a ouvert la voie à cette émancipation soit ainsi relégué aux marges de la reconnaissance nationale ? Comment expliquer cette ingratitude envers un pionnier qui a payé le prix fort pour ses convictions, étant contraint à la démission sous pression coloniale ?
Redonner à André-Marie Mbida la place qu’il mérite dans la mémoire collective, ce n’est pas réécrire l’histoire : c’est enfin lui rendre justice. C’est reconnaître qu’une nation digne se construit aussi par la gratitude envers ceux qui, à l’aube de son existence, ont eu le courage de rêver et de lutter pour elle.
Il est plus que temps qu’une rue, un monument, ou un édifice public célèbre André-Marie Mbida. Car oublier ses bâtisseurs, c’est fragiliser les fondations mêmes de son identité nationale.
Pierre Laverdure Ombang
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