Depuis l’annonce des candidatures à la prochaine présidentielle, un fait pas du tout nouveau frappe les observateurs : la multiplication des partis et la fragmentation de l’opposition.
Hilaire Ngoualeu Hamekoue
A la UneCamerounLe ChroniqueurPolitique

Kamerun : une opposition sous contrôle, entre héritage colonial et pratique contemporaine

0

Une chronique de Hilaire Ngoualeu Hamekoue

Depuis l’annonce des candidatures à la prochaine présidentielle, un fait pas du tout nouveau frappe les observateurs : la multiplication des partis et la fragmentation de l’opposition.

Derrière ce paysage foisonnant se cache une réalité plus ancienne et plus stratégique : le pouvoir kamerunais a toujours su entretenir une opposition qu’il peut contrôler.

Cette pratique ne date pas d’hier. Déjà en 1949, face à la poussée de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), les autorités coloniales françaises adoptent une méthode éprouvée : susciter la création d’oppositions concurrentes. C’est dans ce contexte que naissent l’Évolution Sociale du Cameroun (ESOCAM), puis l’Indépendance du Cameroun (INDECAM), portées par des figures encouragées en coulisses par l’administration coloniale. Le but ? Fragmenter la contestation, diluer la radicalité, créer l’illusion du choix.

Ce schéma s’est poursuivi après l’indépendance. Dans les années 1990, lors du retour au multipartisme, le pouvoir relance la stratégie : prolifération de partis, divisions internes entretenues, récupération d’identités historiques, comme celle de l’UPC, déclinée en versions officielles ou parallèles.

Pour éviter cette récupération, des militants qui avaient publié dès 1974 le Manifeste national pour l’instauration de la démocratie (MANIDEM), se regroupent sous la bannière UPC-MANIDEM. Mais en 1995, cette branche elle-même, de plus en plus harcelée aussi bien sur le terrain que devant les tribunaux, connaît une scission, donnant naissance au Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (MANIDEM). Alors que le premier affronte l’ostracisme que continue de lui opposer l’administration, le second a bénéficié d’une reconnaissance jusqu’au 18 juillet 2025 où il a commis le « sacrilège  » d’investir un candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025.

L’opposition kamerunaise est ainsi prise entre son émiettement propre, et une stratégie délibérée d’encadrement. Cela soulève une question cruciale : peut-il y avoir alternance quand l’opposition est fabriquée, retournée ou neutralisée ?

Il est urgent de sortir de cette mécanique bien huilée. La crédibilité politique passe par l’autonomie des partis, la cohérence idéologique et la résistance aux stratégies d’instrumentalisation. Faute de quoi, le pluralisme restera de façade — et la démocratie, une illusion.

Crash – Brisez le ciel, brisez les limites !

Previous article

Daniel Moundzego : au Cameroun, « la loi portant statut de réfugiés promulguée par Paul Biya le 27 juillet 2005, n’est toujours pas appliquée »

Next article

You may also like

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *