Le ministère camerounais de la Promotion de la femme et de la famille a publié un communiqué le 4 juin 2025 pour dénoncer l’existence d’un site pornographique et de proxénétisme, « JEDOLO » (cm.jedolo.com), impliquant l’exploitation sexuelle de jeunes filles, parfois à peine pubères. Les autorités qualifient cette pratique de « violation grave des droits de l’enfant » et ont lancé une enquête pour fermer la plateforme et poursuivre ses responsables.
Dans ce communiqué, Marie Thérèse Abena Ondoa condamne avec fermeté cette « dérive criminelle », rappelant que le Cameroun a ratifié des instruments internationaux, tels que le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, interdisant la prostitution et la pornographie infantiles.
Un fléau préoccupant au cœur de la société camerounaise
Selon le Comité national de lutte contre la traite des personnes, plus de 1 500 cas de traite impliquant des mineurs ont été recensés entre 2021 et 2024 au Cameroun, dont une part croissante liée à l’exploitation sexuelle. D’après une enquête menée en 2022 par l’ONG Women in Alternative Action (WAA Cameroon), près de 30 % des filles âgées de 12 à 17 ans dans les zones urbaines affirment avoir été exposées à des propositions sexuelles en ligne, souvent à des fins de monétisation de contenu.
La prolifération des smartphones, l’accès non contrôlé à Internet et l’absence de régulation stricte des contenus numériques rendent les adolescents particulièrement vulnérables. Le Cameroun compte aujourd’hui plus de 10 millions d’utilisateurs d’Internet, dont une part importante de jeunes de moins de 25 ans, selon les données 2024 de l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (ANTIC).
Un communiqué qui pose question
Si la sortie du ministre est à saluer pour son intention de sensibilisation, elle ne résout pas le problème de fond. En révélant l’adresse du site incriminé sans précaution, le ministère risque d’aboutir à un effet inverse : une hausse de la curiosité malsaine, voire un afflux de visites sur la plateforme contestée. Une telle démarche, jugée prématurée par plusieurs experts du numérique et de la protection de l’enfance, revient à mettre la charrue avant les bœufs. Elle expose davantage les victimes au lieu de les protéger et pourrait entraver le travail des enquêteurs.
Un appel à la vigilance parentale et à la collaboration citoyenne
Le communiqué ministériel exhorte néanmoins les parents à faire preuve de « plus de vigilance, de communication et de proximité » avec leurs enfants, soulignant l’importance d’une présence accrue dans leur vie. Par ailleurs, les services de l’État ont été mobilisés pour identifier et traduire en justice les promoteurs du site.
Les victimes ou témoins sont invités à se manifester via la Ligne Verte d’assistance aux enfants (116) ou les numéros 222 23 25 50 et 222 22 61 74. Le ministre a appelé à une mobilisation collective contre ce « fléau immoral », mettant en garde contre les risques de propagation des infections sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida, qui touche environ 3,2 % de la population adulte au Cameroun, selon les derniers chiffres du CNLS (Comité national de lutte contre le Sida).
Une affaire qui rappelle des précédents inquiétants
Cette affaire survient dans un contexte où l’exploitation en ligne des mineurs prend de l’ampleur en Afrique centrale, malgré les efforts législatifs. En 2023, une opération similaire avait conduit au démantèlement d’un réseau de cyberproxénétisme à Douala, où 12 jeunes filles mineures avaient été secourues et 5 individus inculpés pour trafic et exploitation sexuelle.
Les défenseurs des droits de l’enfant réclament des mesures plus strictes contre les plateformes illégales, notamment une surveillance renforcée des réseaux sociaux et des sites web. De leur côté, les autorités camerounaises promettent une « réponse judiciaire implacable ». La CRTV, média public, a été chargée de diffuser largement l’alerte pour une prise de conscience nationale.
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