L’efficience budgétaire est sur toutes les lèvres. Le ministre des Finances camerounais le martèle : « il faut réduire la dépense publique inefficace, mutualiser les efforts, et réorienter les ressources vers les secteurs à fort impact. »
Charles Menye
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La Filiale bancaire de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC) : l’irrationnalisation budgétaire et de l’incohérence institutionnelle

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Par Charles Menye – Président Comité de vigilance financière CEMAC (CVFC)_

L’efficience budgétaire est sur toutes les lèvres. Le ministre des Finances camerounais le martèle : « il faut réduire la dépense publique inefficace, mutualiser les efforts, et réorienter les ressources vers les secteurs à fort impact. »

Mais dans la pratique, certaines initiatives interrogent.

Comment concilier ce discours avec la volonté affichée de créer une nouvelle banque publique, sous la houlette de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC), alors même que des institutions déjà existantes poursuivent des objectifs identiques ?

Ce paradoxe pose une vraie question de fond : souffrons-nous d’un manque d’outils, ou d’un manque de coordination entre les outils existants ?

Une filiale bancaire de plus ? Ou une opportunité de consolidation collective ?

Le 3 février 2025, la CDEC a lancé un appel d’offres pour recruter un cabinet chargé de concevoir sa future filiale bancaire. Objectif : financer les PME, accompagner l’État, soutenir les collectivités dans la levée de fonds, orienter les entreprises vers la bourse…

Tout cela existe déjà — ou presque — dans l’écosystème public.

Créer une banque :

– prend du temps (au minimum 2 à 3 ans pour être opérationnelle) que le Cameroun n’a pas.

– coûte cher (au moins 15 à 20 milliards FCFA entre capital, structures, agrément, personnel) et nous ne pouvons-nous le permettre,

– et dédouble des missions qui pourraient être renforcées à moindre coût à travers une approche collective ce que nous devons faire.

Trois institutions, trois rôles… et un immense potentiel de synergie endormi

  1. BC-PME – L’outil de terrain sous-utilisé
  • Rôle : financement des TPE/PME, appui aux filières prioritaires.
  • Forces : présence sur le terrain, agrément bancaire, 4 000 PME accompagnées, encours de 9 milliards FCFA.
  • Faiblesses : gouvernance peu performante, digitalisation absente, taux de recouvrement faible.

Et surtout : un problème de capitalisation non résolu.

Sur les 20 milliards de capital social prévus, seuls 17,2 milliards FCFA étaient effectivement libérés en 2020, soit en violation du seuil réglementaire de la COBAC.

Aujourd’hui encore, près d’un milliard FCFA reste attendu pour parachever la libération de ce capital, condition essentielle à toute ambition de redéploiement.

  1. CDEC – Le réservoir de ressources longues encore en construction
  • Rôle : collecte, sécurisation et orientation de l’épargne longue vers des projets stratégiques.
  • Forces : capacité à mobiliser des ressources dormantes, mandat fort, position légale privilégiée.
  • Faiblesses : opérationnalité récente, refus de rétrocession par certaines banques, absence de résultats concrets à ce jour.
  1. SNI – Le bras d’investissement public à repositionner
  • Rôle : participation au capital d’entreprises, structuration de projets industriels ou stratégiques.
  • Forces : conseil d’administration actif, statut rénové, capacités d’ingénierie financière.
  • Faiblesses : visibilité limitée, faiblesse du dealflow, historique de projets peu valorisés.

Unir les forces : moins de coûts, plus de résultats, plus vite

Mettre en place une synergie entre ces trois institutions permettrait :

  • Un gain de temps considérable : la BC-PME est déjà agréée, avec un réseau et des produits. La renforcer est plus rapide que de créer.
  • Une rationalisation budgétaire majeure : compléter la libération du capital et recapitaliser durablement la BC-PME coûterait moins de 10 milliards FCFA, contre plus du double pour monter une nouvelle banque.
  • Une cohérence institutionnelle retrouvée : chaque acteur conserve son identité mais opère dans un cadre stratégique partagé.
  • Un effet levier auprès des bailleurs de fonds, qui verront un État capable de jouer collectif, d’aligner les efforts et de rationaliser sa gouvernance.

Proposition : un pacte de performance publique à mettre en œuvre dès 2025

  1. Un pacte d’actionnaires publics autour de la BC-PME
  • CDEC et SNI entrent au capital, finalisent la libération du capital social prévu (20 milliards) et participent à sa recapitalisation future.
  • La BC-PME devient une “banque d’impact PME”, avec gouvernance renforcée et pilotage par la performance.
  1. Un comité stratégique interinstitutionnel
  • Réunion régulière CDEC – SNI – BC-PME, sous tutelle du MINFI.
  • Feuille de route unique avec objectifs partagés : PME, collectivités, infrastructures, projets verts.
  1. Un guichet public unifié
  • Une plateforme commune oriente chaque projet vers la bonne institution, selon ses besoins : crédit, capital, garantie, conseil.

L’urgence est là : il faut des réponses concrètes et pragmatiques

Le Cameroun n’a plus le luxe de créer pour créer.

Il est temps de mutualiser les ressources, jouer collectif, réparer ce qui peut l’être, et transformer ce qui existe déjà.

Créer une banque supplémentaire, c’est retarder encore.

Unir les forces de la BC-PME, de la CDEC et de la SNI, c’est agir tout de suite, à moindre coût, avec des résultats concrets dès 2025.

Conclusion : l’efficience, ce n’est pas une promesse — c’est un test de cohérence

Si le gouvernement souhaite prouver que son engagement en faveur de la rationalisation et de la discipline budgétaire n’est pas un simple vœu pieux, alors il doit le traduire dans ses décisions structurelles.

Le débat sur la future banque de la CDEC est un test de crédibilité pour le gouvernement. Soit nous assumons notre discours d’efficience, soit nous continuons à le contredire dans les faits.

L’efficience budgétaire n’est pas une formule technique. C’est une posture de gouvernance.

Aujourd’hui, elle exige une seule chose : consolider nos institutions, coordonner nos efforts, et produire des résultats visibles.

– L’efficience commence par le refus de la dispersion.

– La réforme commence par le courage de ne pas dupliquer.

– Et la gouvernance commence par l’intelligence du collectif.

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